«Le contrat vendanges est la goutte d’eau qui fait déborder le vase !»

Réelu président de la CNAOC pour 3 ans, lors de la dernière Assemblée Générale du 25 novembre, Bernard Farges revient sur les dossiers de la CNAOC pour 2015. Défense des AOC dans le nouveau système d’autorisations de plantations, mobilisation pour sauver le contrat vendanges, projet de loi de santé… Il fait le point sur les sujets « chauds » pour la viticulture, sans détours et sans langue de bois.

Le dossier des plantations se referme au niveau européen. Etes-vous satisfaits des résultats obtenus ?

Tout d’abord, il faut rappeler que nous avons réussi à échapper à la libéralisation totale des plantations de vigne grâce aux efforts conjoints des professionnels, des élus et des gouvernements. Désormais, il ne sera pas possible de planter au-delà d’un plafond annuel de plantations nouvelles à hauteur de 1 % des superficies plantées. C’est une réelle satisfaction. Pendant plusieurs mois, nous avons négocié les modalités d’application de ce nouveau dispositif. Notre principale crainte était l’absence d’instruments de régulation qualitative et le risque d’un contournement de la régulation des AOC et des IGP. Nous redoutions en effet que des vignes plantées sur les aires de production AOC et IGP à partir d’autorisation de Vins sans Indication Géographique (VSIG) puissent revendiquer du vin AOC et IGP. Dans ce cas, nous aurions été dans l’incapacité de maîtriser collectivement la régulation du potentiel de production des AOC et des IGP. Au final, le texte proposé par la Commission pourra permettre aux Etats Membres d’encadrer ces plantations à travers la mise en place d’une obligation faite aux producteurs titulaires d’une autorisation de planter du VSIG, de ne pouvoir revendiquer que du VSIG. Là aussi, le bilan est plutôt positif, mais nous devons désormais conclure l’essai.

Est-ce que cela veut dire que les futures titulaires d’autorisation de planter du VSIG devront respecter cette obligation ?

Le débat sur l’application du futur régime d’autorisation de plantation en France ne fait que débuter. Il appartient maintenant au Ministère de l’Agriculture de décider quelle application il fera de cette règle. A l’unanimité, tous les responsables professionnels nationaux de la production soutiennent une application large de ce dispositif et demandent que les futures plantations de vignes destinées à la production de VSIG ne puissent produire et revendiquer que du VSIG. Nous ne sommes pas opposés à la plantation de VSIG sur les aires de production mais celles-ci ne doivent pas venir perturber et déséquilibrer le marché des AOC et des IGP. La balle est dans le camp du ministère de l’agriculture. Nous avons un autre souci qui n’est pas réglé, c’est celui des plantations à proximité des aires de production, particulièrement pour les AOC les plus notoires. Nous devons progresser sur ce point.

La mobilisation des députés à l’Assemblée n’a pour l’instant pas permis de sauver le contrat vendanges. Comment réussir à maintenir ce symbole de la viticulture ?

Le gouvernement nous répète sans cesse que la viticulture participe au rayonnement de la France à travers le monde, qu’elle est une grande pourvoyeuse d’emplois et qu’elle fait vivre de nombreux territoires. Il martèle aussi que l’un des principaux enjeux d’avenir pour l’agriculture est le renforcement de la compétitivité. Mais dans le même temps, il augmente les charges, alourdit les contraintes et maintenant veut casser l’emploi ! Nous disons stop ! Le contrat vendanges est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Supprimer ce dispositif touchera directement les salariés et leur pouvoir d’achat. Cette décision est un très mauvais signal car elle va contre l’emploi et contre le pouvoir d’achat.
Bien sûr, nous sommes déçus par le vote de l’Assemblée Nationale. La mobilisation des députés issus de régions viticoles a été clairement insuffisante. Nous avions pourtant reçu de nombreuses lettres de soutien, mais seulement 40 députés étaient présents au moment du vote ! Nous préparons la discussion au Sénat qui débutera début décembre, et la deuxième lecture ensuite à l’Assemblée. Nous allons demander aussi à nos fédérations et syndicats en région de se rapprocher de leurs députés et de leur demander de ne pas se contenter de belles paroles mais d’actes concrets et de voter le maintien du contrat vendanges. Nous allons continuer la mobilisation pour sauver le contrat vendanges et sauver l’emploi !

Le projet de loi de santé publique a été présenté au mois d’octobre. La filière est-elle prête pour les discussions à venir ?

Comme nous nous y attendions, le projet de loi de santé publique présenté au mois d’octobre ne contient quasiment pas de dispositions spécifiques sur le vin. Cependant, nous savons que des amendements contre le vin seront déposés lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée Nationale. Les discussions sont prévues pour février. D’ici là, nous devons rester prêts au combat car les discussions s’annoncent musclées. Quoiqu’il arrive, nous serons mobilisés en région et à l’échelon national pour défendre la filière viticole.

Ou en est l’ouverture des nouvelles extensions « .vin » et « .wine » ainsi que la protection des IG sur internet ?

Pour le moment, le processus de délégation du « .vin » et du « .wine » est à nouveau suspendu grâce aux recours engagés d’un côté par les vignerons européens (CNAOC, EFOW, Champagne, Bordeaux, Cognac etc.) et américains et de l’autre par la Commission Européenne. C’est une satisfaction. Des discussions sont en cours avec l’ICANN et le dialogue est plutôt constructif. Mais nous avons appris à être prudents après plus de deux ans d’affrontement. Si la procédure amiable n’aboutit pas, nous demanderons à la Commission qu’elle engage une procédure contentieuse contre l’ICANN. Cela relève de sa responsabilité car elle est en charge de la défense des traités et donc de la défense des IG. Nous pouvons compter sur le soutien actif d’Axelle Lemaire, Secrétaire d’Etat chargé du numérique, qui ne ménage pas ses efforts pour aider la viticulture.
Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout. Le débat posé va au-delà de la protection des noms des AOC. Sur ce dossier, la viticulture ouvre un débat très large qui concerne tous les citoyens. Il faut faire comprendre que les règles qui s’appliquent dans la vie réelle doivent également s’appliquer dans le monde virtuel. Car les conséquences pour l’économie et les consommateurs sont bien concrètes ! La vente de vin en ligne représentera plus de 14 % du marché en 2016. Elle croit de 30 % par an. Ce n’est pas négligeable !