Fer de lance de la campagne de mobilisation pour empêcher la vente des noms d’AOC et d’IG (Indication Géographique) à n’importe qui sur internet, la CNAOC vient d’annoncer la conclusion d’un accord entre le secteur mondial du vin et la société américaine DONUTS. L’occasion de revenir sur les dossiers « .vin » et « .wine » avec Pascal BOBILLIER-MONNOT, Directeur de la CNAOC.

Pourquoi la CNAOC s’est fortement mobilisée sur ce dossier ?

L’Internet occupe une place de plus en plus importante, y compris pour le développement du marché du vin. La vente de vins en ligne représentait plus de 700 millions d’euros en France en 2013 et devrait avoisiner plus de 1,5 milliards en 2016. Au niveau mondial, ce sera près de 6 milliards d’euros en 2016.

L’ICANN qui régule l’Internet au niveau mondial n’a prévu aucune règle de protection des noms d’AOC et d’IG, contrairement aux marques. Les sociétés candidates à l’exploitation des futurs noms de domaine « .vin » et « .wine » ont annoncé leur intention de vendre aux enchères les noms d’AOC. Ce n’était pas acceptable pour nous. D’où, le début de la mobilisation en 2012.

3 années pour parvenir à un accord ?

L’ICANN est placé sous l’autorité du gouvernement américain et les gouvernements n’y ont qu’un pouvoir d’avis. Avec la fédération européenne des vins d’origine EFOW, il nous a donc fallu engager une campagne de sensibilisation pour mobiliser les gouvernements à nos côtés et faire entendre notre voix au sein de l’ICANN.

Après la France et le Luxembourg, nous avons réussi grâce notamment au soutien du Parlement européen, à convaincre la Commission Européenne et les Etats membres d’utiliser tous les recours au sein de l’ICANN pour bloquer le processus de délégation. Au total, ce sont près de 34 Etats membres qui se sont opposés à une délégation sans condition, contre trois (USA, Nouvelle-Zélande et Australie) qui soutenaient l’utilisation libre des noms d’IG. La mobilisation à nos côtés des régions américaines (Napa Valley, etc …) a été décisive. Tout comme les procédures que nous avons engagées avec la Commission Européenne en juillet 2014 contre l’ICANN.

Quel est le contenu de l’accord ?

L’accord entre les organisations à l’origine de la procédure engagées contre l’ICANN et la société américaine DONUTS est confidentiel. Je peux simplement dire que cet accord est satisfaisant pour nous et pour la communauté mondiale du vin. Il permettra de protéger le consommateur en empêchant la confusion et la contrefaçon et les producteurs en luttant contre le cybersquatting. Nous avons l’intention de faire de ces extensions des outils sécurisés et de qualité.

Quid de sa mise en œuvre ?

Les futurs noms de domaine se terminant par « .vin » et « .wine » ne seront pas en ligne avant plusieurs mois. D’ici là, nous devons travailler à la mise en œuvre de l’accord avec DONUTS. Nous informerons le moment venu les acteurs du secteur et leur expliquerons les actions qu’ils devront engager pour la réservation des noms et les moyens à leur disposition pour se protéger contre la confusion.

Est-ce une victoire pour vous ?

Oui, c’est une première victoire qui démontre la capacité d’une communauté mondiale à faire entendre sa voix au sein de l’ICANN. C’est une victoire aussi pour le secteur du vin, qui est le seul, pour l’instant, à s’être mobilisé très fortement et à avoir réussi à faire évoluer les règles même s’il s’agit d’un accord privé. C’est enfin, une victoire pour ceux qui défendent l’application du droit sur Internet.

Quelles sont les prochaines étapes ?

La mise en œuvre de l’accord, tout d’abord. Ensuite, l’anticipation avant une nouvelle prochaine ouverture des noms de domaine annoncée en 2016 mais qui pourrait être reportée. Surtout la nécessité que la filière et les filières régionales réfléchissent à la définition d’une stratégie numérique. Le nom de domaine n’est qu’un outil. Devant la vente de vins en ligne, le secteur doit être un acteur de son propre développement.