Elle ne s’appliquera au plus tôt qu’en 2020 mais il faut s’y préparer dès maintenant. L’avenir de la Politique Agricole Commune (PAC) est le thème central du 1er Congrès national de la viticulture qui se déroulera le 6 et 7 juin prochain à Bordeaux. Dans un contexte européen compliqué par la sortie de la Grande-Bretagne (Brexit), la viticulture devra redoubler d’effort pour maintenir ses acquis et obtenir des avancées sur des points cruciaux.
1er enjeu : Défendre les spécificités de la viticulture
Au sein du paysage agricole européen, la viticulture possède une place à part. C’est le secteur agricole où les productions sous signe de qualité sont les plus importantes. 78 % du vignoble européen produit du vin en AOC / IGP. En France, la production sous signe de qualité représente 84 % du vignoble (parmi ces 84 %, 75,1 % est en AOC et 24,9 % en IGP, source Eurostat 2015). La viticulture se distingue aussi par une règlementation spécifique distincte du reste de la règlementation agricole. Elle possède des règles d’étiquetages particulières différentes de celles qui s’appliquent à l’ensemble des produits agroalimentaires (indication de l’origine strictement réglementée, mentions valorisantes réservées aux vins avec IG etc). Elle a sa propre politique de qualité qui diffère sur des points importants de la règlementation horizontale, par exemple sur les définitions (au moins 85% des raisins issus de la zone pour les IGP viticoles alors que les autres produits agricoles peuvent se prévaloir d’une IGP à partir du moment où ils ont été transformés dans la zone). Elle est le dernier secteur agricole à disposer d’un instrument de régulation de son potentiel de production : les autorisations de plantation de vignes. Enfin elle dispose d’une enveloppe spécifique d’aides orientées vers le marché et l’amélioration de la qualité.
- Pourquoi la viticulture devra être très vigilante
La Commission Européenne a tenté à de nombreuses fois de mettre fin aux spécificités de la viticulture : suppression des droits de plantation, tentative de réforme du secteur à travers le chantier de simplification de la règlementation viticole etc. Nul doute que certains seront encore tentés de faire rentrer la viticulture dans le moule du reste de l’agriculture lors de la prochaine réforme de la PAC. L’objectif affiché serait celui de la simplification. En réalité l’intention serait de poursuivre la libéralisation du secteur et de favoriser le développement des vins d’entrée de gamme.
2ème enjeu : Préserver le budget de la PAC dans un contexte compliqué par le Brexit
Le 23 juin 2016, les britanniques décidaient par référendum de quitter l’Union Européenne. Un Brexit potentiellement lourd de conséquences pour la PAC. Actuellement, le budget de la PAC représente environ 38 % (2015) du budget de l’UE (contre 73 % en 1985). Le départ de la Grande Bretagne, pays contributeur net au budget de l’UE, devrait représenter un manque à gagner de 7 milliards d’€ sur le budget de la PAC. A cela s’ajoute des pressions de plus en plus fortes en Europe pour une utilisation différente du budget de l’UE, moins centrée sur la PAC et plus adaptée aux nouvelles contraintes auxquelles l’UE doit faire face comme l’immigration, la sécurité intérieure, le chômage, la lutte contre le réchauffement climatique etc. Pour la viticulture, la priorité sera donc de maintenir le budget de la PAC et plus particulièrement une enveloppe spécifique d’aides orientées vers le marché.
- Pourquoi c’est important pour la viticulture
La viticulture bénéficie aujourd’hui d’un instrument de soutien spécifique : les Programmes Nationaux d’Aides (PNA). Pour la France, le PNA représente près de 280 millions d’euros par an. C’est du montant du budget de la PAC que dépendra le montant du PNA. C’est un instrument de soutien dynamique et positif au service de toute la filière qui permet de financer des mesures d’investissements, de restructuration ou de promotion. Le secteur viticole a fait le choix de ne pas bénéficier de paiements directs. Pour la compétitivité de la filière, il faut préserver ces outils dynamiques dans la future PAC.
3ème enjeu : Préparer la viticulture à la nouvelle donne climatique
L’un des défis principal des vignobles français et européens est de s’adapter aux évolutions climatiques en cours. Déjà, les premiers signaux se font sentir avec une recrudescence d’épisodes climatiques douloureux pour le vignoble (gel, grêle, sècheresse). A ces évolutions climatiques s’ajoutent les exigences toujours plus rigoureuses de l’opinion publique et de la société civile en matière environnementale. Nul doute que la pression sera forte pour l’adoption d’une PAC plus durable et écologique. A la viticulture de transformer ces pressions en opportunités.
- Pourquoi c’est stratégique pour la viticulture
Régulièrement montrée du doigt pour sa consommation de pesticides, la viticulture possède pourtant des solutions pour réduire son impact sur l’environnement. Pour faire face aux évolutions climatiques, elle doit pouvoir expérimenter de nouveaux cépages, notamment des cépages résistants aux maladies. Enfin, pour surmonter les crises climatiques de plus en plus régulières, elle devra aussi se mobiliser pour un système d’assurance récolte plus souple et facile à déclencher. Aujourd’hui, seul 1 % du budget de la PAC est consacré aux mesures liées aux assurances contre 60% des dépenses agricoles américaines.
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