Après une année 2015 remplie et occupée par des dossiers en cours depuis plusieurs années – autorisations de plantations, loi de santé publique notamment – 2016 permettra d’en conclure certains et d’ouvrir d’autres chantiers. Bernard Farges, président de la CNAOC revient sur quelques sujets qui occuperont la confédération pour cette nouvelle année.  

Q : Où en est-on dans la mise en œuvre du nouveau système d’autorisations de plantations de vigne ?

Il faut tout d’abord rappeler que la viticulture est le seul secteur agricole qui a réussi à sauver un système de régulation de son potentiel de production. Il nous a fallu trois ans pour convaincre les ministres et la Commission de revenir sur la décision prise en 2008 de libéraliser la plantation de vigne sur tout le territoire de l’Union. La mise en place en France du nouveau système d’autorisations nous a beaucoup occupé ces derniers mois. Les discussions régionales sont terminées et les conseils de bassins ont approuvé les propositions des ODG (Organismes de Défense et de Gestion). Les discussions nationales sont en cours et l’avis de l’INAO et de France AgriMer seront rendus vers la mi-décembre. Le dépôt des demandes individuelles se fera au printemps prochain. Nous connaîtrons à la fin du mois d’avril le montant global des demandes d’autorisations de plantations. Il est donc encore trop tôt pour dresser un bilan. Il nous appartiendra de réaliser ce bilan et de réfléchir aux améliorations à apporter au système.

Q : Avec les négociations en cours pour l’accord de libre-échange UE/USA, certains responsables syndicaux remettent en cause la priorité donnée aux Indications Géographiques (IG). Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Nous ne comprenons ces positions. Le système des IG est un des principaux atouts de l’agriculture européenne ! Nous devons être offensifs concernant la protection de nos signes de qualité, y compris dans les négociations en cours pour un accord de libre-échange entre l’UE et les Etats-Unis. Nous sommes donc très mobilisés sur la question des « semi-générique » qui autorisent les producteurs américains à utiliser quelques noms d’appellations comme Champagne, Sauternes ou Chablis pour désigner leurs vins. Nous demandons à ce que cette utilisation abusive de nos noms s’arrête. Au niveau national, nous nous sommes battus pour donner la possibilité aux ODG de mettre en place un « timbre de garantie » qui permettrait de vérifier l’authenticité des produits. Notre proposition a été retenue au sein de la loi d’avenir agricole. Il faut maintenant passer à la mise en œuvre. Le ministère de l’Agriculture travaille à la rédaction d’un dispositif par décret. Nous attendons un texte simple et efficace et serons vigilants sur les propositions qui seront faites.

Q : Après de longues discussions parfois houleuses, la mesure de clarification de la publicité a finalement été adoptée par le Parlement. Le vin a-t-il remporté définitivement la bataille contre le lobby hygiéniste ?

Tout d’abord, il faut se féliciter de ce résultat. La clarification de la frontière entre publicité et information est une très bonne nouvelle. C’est la fin de l’autocensure de la presse sur les sujets viticoles et les collectivités vont désormais pouvoir valoriser leur vignoble sans risquer d’être condamnées. Je tiens à remercier ici tous les vignerons qui se sont mobilisés en région pour obtenir ce résultat. Il faut saluer également le très beau travail de Vin et Société et celui de nombreux parlementaires qui se sont battus à nos côtés, en particulier Catherine QUERE, Gilles SAVARY, Denys ROBILIARD, Laurent GRANDGUILLAUME, Arnaud ROBINET, Jacques KRABAL, Gérard CESAR, François PATRIAT, Roland COURTEAU et Philippe A.  MARTIN. Enfin, remercions aussi certains membres du Gouvernement et le Président de la République François HOLLANDE qui a été sensible à nos revendications lors de l’inauguration du salon Vinexpo. Cette victoire démontre à nouveau que l’union fait la force. Quand nous sommes unis, nous gagnons les combats ! Si nous avons remporté une bataille en France, nos principales inquiétudes proviennent aujourd’hui de Bruxelles et de l’attitude de certaines associations hygiénistes. Notre credo est le même qu’en France, ce n’est pas le produit qui est dangereux mais ce sont les comportements à risque. Nous continuerons à  suivre attentivement les discussions en cours au niveau européen et veillerons à ce que les représentants de la France défendent une politique équilibrée dans ce sens.

Q : La CNAOC a abordé la thématique environnementale lors de son congrès annuel à Sancerre en avril 2015. Est-ce une de ses priorités ?

L’environnement, c’est une priorité quotidienne pour tous les vignerons. Par leur travail respectueux, ils démontrent chaque jour leur attachement au terroir. D’ailleurs, c’est sur une demande de la CNAOC qu’a été introduite dans la loi d’avenir agricole la possibilité de rendre obligatoire des mesures de protection des terroirs dans les cahiers des charges, alors que les pouvoirs publics y étaient opposés ! Aujourd’hui, nous devons répondre à l’attente sociétale qui est aussi celle de nos viticulteurs pour une meilleure prise en compte de notre environnement. C’est pourquoi nous demandons l’autorisation dans un cadre bien précis d’expérimenter des cépages résistants aux maladies qui permettront de réduire notre consommation d’intrants, tout en respectant bien entendu les caractéristiques de nos appellations. Les AOC ne doivent pas rester figées. Mais une meilleure prise en compte de l’environnement ne doit pas signifier plus de contraintes inutiles pour nos viticulteurs. Nous ne pouvons pas accepter la mesure proposée par le Ministère de l’Agriculture d’étendre l’utilisation d’Equipements de Protection Individuelle (EPI) au-delà du délai de rentrée après traitement. Ce délai est déjà largement suffisant. Au-delà, le port d’EPI ne doit pas s’imposer. Sinon, pourquoi mettre en place un délai de rentrée si c’est pour l’étendre sans limite et rendre obligatoire le port d’EPI lors de chaque présence dans une parcelle ? C’est une contrainte inutile. Si le Ministère souhaite faire des propositions pour une meilleure prise en compte de l’environnement, nous sommes prêts à l’écouter concernant notamment la mise en œuvre règlementaire de Limites Maximales de  Résidus (LMR) pour les vins. La filière est prête à avancer aussi sur cette thématique environnementale.