Fiscalité agricole

 Fin 2017, le gouvernement annonçait le lancement d’un grand chantier de refonte de la fiscalité agricole en 2018. Une opportunité que la CNAOC a saisie pour défendre des mesures en faveur de la résilience des exploitations viticoles, avec des résultats encourageants.

« Je vous propose dans l’année 2018 (…) de refonder la fiscalité agricole en totalité ». C’est grâce à cette annonce lors des discussions sur le Projet de Loi de Finances (PLF) 2018 que le ministre de l’économie Bruno Lemaire a pu retenir les initiatives de plusieurs députés pour revoir totalement la Dotation Pour Aléas (DPA) et la Dotation Pour Investissement (DPI), jugés peu efficaces. Une annonce alors ambitieuse mais un peu flou : peu de détails sur  les contours de la réforme ni sur les organisations professionnelles qui seront consultées… La CNAOC, habituellement peu présente sur les sujets fiscaux ces dix dernières années décide de profiter de l’occasion pour faire des propositions en faveur de la résilience des exploitations viticoles.

                La CNAOC s’insère dans le débat fiscal

« La fiscalité est un sujet directement piloté par Bercy. C’est un champ que l’on maitrise moins » précise Maxime Toubart, vice-président de la CNAOC et co-animateur du groupe de travail sur la fiscalité agricole. « Pourtant les problèmes de transmission ou de gestion des risques concernent de nombreux vignobles et la fiscalité est un levier indispensable pour aider les exploitations ». Début 2018, la CNAOC met donc en place un groupe de travail pour élaborer une plateforme de propositions. Trois priorités sont identifiées : faciliter les transmissions familiales, mettre en place une épargne de gestion des risques et soutenir la certification environnementale des exploitations. La CNAOC part ensuite à la rencontre d’interlocuteurs divers et variés, dont certain avec lesquels elle a moins l’habitude de travailler. «Nous avons dû forcer un peu la porte pour être identifié comme des interlocuteurs serieux sur le sujet ! » raconte Jean-Marie Garde, membre du Conseil d’Administration de la CNAOC et co-animateur du groupe de travail sur la fiscalité. Résultats : une audition au niveau « technique » par le ministère de l’économie et le ministère de l’agriculture, plusieurs rendez-vous politiques auprès de l’Elysée, de Matignon et du ministère de l’Agriculture, des auditions par les groupes d’études viticoles du Parlement etc. « La fiscalité est aussi un sujet très complexe qui demande des compétences très spécialisées. Sur ce dernier point, nous avons travaillé en bonne collaboration avec l’UNECA (Union des Experts Comptables Agricoles) qui a été très précieux pour l’élaboration techniques de nos mesures » complète Mr Garde. Enfin, la CNAOC s’est rapprochée de la FNSEA, très présente sur les sujets fiscaux pour rapprocher au maximum les propositions.

                Quelques progrès à confirmer

Après avoir consulté de nombreux acteurs, le gouvernement a finalement présenté ses mesures dans le PLF 2019. « Ce qui est sûr, c’est que l’ambition initiale a été revue à la baisse. » constate Mr Toubart. « On ne peut pas parler de refondation. Mais plusieurs mesures sont intéressantes et certaines de nos revendications ont été entendues.» ajoute-t-il. 1ère mesure intéressante : un nouveau Dispositif d’Epargne de Précaution (DEP) en remplacement de la DPA et de la DPI (Voir l’encadré pour le fonctionnement). « Le dispositif du gouvernement reprend certains éléments de notre proposition comme la liberté d’utilisation des sommes déduites ou la possibilité d’épargner pendant 10 ans. Mais le dispositif aurait été plus efficace s’il avait été plus ambitieux » analyse Jean-Marie Garde. « Nous proposions l’extension du DEP à l’ensemble des entreprises à vocation agricole ou la simplification du système d’épargne de précaution en stock, qui est en l’état inapplicable pour la viticulture. Cela n’a malheureusement pas été retenu. » Autre mesure intéressante pour les exploitations viticoles : l’augmentation à 300 000 € du plafond d’exonération à 75 % des droits de mutation à titre gratuit (DTMG) pour les transmissions de biens loués par bail à long terme. Pour Maxime Toubart, « revoir la fiscalité sur les transmissions n’était pas vraiment une priorité par le gouvernement. Nous avons pu le constater au cours de nos différents rendez-vous. » Jean-Marie Garde confirme : « Obtenir cette mesure pour faciliter les transmissions parmi les propositions du gouvernement est une victoire en soi. Mais ce n’est pas suffisant étant donné le prix atteint par le foncier dans certains vignobles ». Un manque d’ambition du gouvernement qui s’ajoute à une vraie déception : l’absence de mesure de soutien à la certification environnementale des exploitations. « Sur ce dernier sujet, l’écoute était au rendez-vous. Mais les actes n’ont pas suivis. » complète Mr Garde. La CNAOC aura l’occasion de défendre à nouveau sa plateforme lors des discussions sur le PLF 2020 à la fin de l’année. « Nous serons présents. Pour réussir à changer la fiscalité, il faut être présent à chaque loi de finances » concluent ensemble les deux viticulteurs.

UN NOUVEAU DISPOSITIF D’EPARGNE DE PRECAUTION 

Avec le nouveau DEP,  chaque exploitant pourra épargner une partie de son bénéfice – jusqu’à 41 400 € par an – dans la limite d’un plafond de 150 000 € d’épargne au maximum. Il devra en parallèle inscrire sur un compte bancaire une épargne comprise entre 50 % et 100 % du montant de la déduction pratiquée. Les sommes déduites pourront être utilisées sans conditions pendant une période de 10 ans. Lors de leur utilisation, la déduction devra être réintégrer dans l’assiette fiscale et sociale. Les exploitants pourront également dans une certaine limite substituer à l’épargne monétaire une épargne en stock.

DES TRANSMISSIONS MOINS COUTEUSES 

La loi de finances 2019 augmente à 300 000 € le plafond d’exonération à 75 % des droits de mutation à titre gratuit (DTMG) pour les transmissions de biens loués par bail à long terme. Désormais, jusqu’à 300 000 €, une exonération de 75 % des DTMG sera appliqué contre 101 897 € auparavant. Au-delà, l’exonération est de 50 %.