Françoise GROSSETÊTE est députée européenne du Sud-Est et membre de la Commission environnement, santé publique et protection du consommateur depuis 1994. Sa visite dans le vignoble est l’occasion de l’interroger sur l’actualité sociétale des institutions européennes. Rencontre.

Madame la Députée, la Commission européenne doit rendre un rapport très attendu sur l’étiquetage nutritionnel des boissons alcoolisées. Êtes-vous favorable au maintien de l’exemption d’étiquetage des calories et des ingrédients pour les boissons alcoolisées dont le vin?

L’ajout d’un étiquetage nutritionnel pour les boissons alcoolisées serait couteux pour la filière vin et n’apporte aucune valeur ajoutée pour le consommateur. Le vin évolue d’une année sur l’autre. Il s’agit d’un produit naturel. Imposer un étiquetage et donc des analyses couteuses chaque année risque de désavantager les petits producteurs. Cette mesure peut également avoir des effets négatifs sur la compétitivité du secteur vin. De plus, cette information n’est pas forcément réclamée par le consommateur. Le vin est un produit de plaisir. Il faut arrêter de le considérer comme un produit de consommation courante. Je me battrai pour empêcher cette mauvaise solution.

La réforme du droit vitivinicole européen dévoile la volonté de la Commission de remettre en cause les règles spécifiques au vin (étiquetage, politique de qualité, etc.). Pensez-vous que la prochaine réforme de la PAC doit permettre de maintenir ces spécificités, en particulier en matière d’indications géographiques, ou au contraire d’aligner les règles vitivinicoles sur les autres secteurs agricoles (paiements directs, libéralisation de la production, etc.) ?

Je suis très attachée à la particularité de la viticulture. En juillet 2016, nous avons signé, avec d’autres députés européens, une lettre ouverte au commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, pour demander le maintien de ces spécificités. Ce sont les règles mises en place au fil des années qui garantissent la qualité des vins européens. L’ouverture des mentions traditionnelles aux vins sans indications géographiques, par exemple, est un vrai danger. Cette libéralisation va engendrer des confusions dans l’esprit des consommateurs. Cela remettra en cause la politique de qualité que je défends depuis longtemps.

Considérez-vous que la France sur-transpose les règles européennes en matière d’utilisation des phytosanitaires ou au contraire que l’Europe devrait s’inspirer de la règlementation française ?

Nous sommes tous attachés à la protection des consommateurs. L’Union européenne a la législation la plus protectrice du monde dans ce domaine. Il est regrettable que la France sur-transpose de façon exagérée les règlementations européennes. Mieux vaut responsabiliser les viticulteurs qui utilisent les produits phytosanitaires et sont les premiers exposés. Tant que nous n’aurons pas d’alternatives efficientes, les viticulteurs seront obligés d’utiliser ces produits. Il s’agit d’une nécessité. Pour que les choses évoluent concrètement, il est indispensable de développer la recherche dans ce domaine. Les pouvoirs publics devraient inciter les industriels à trouver des alternatives.

Interview réalisée par la Fédération des AOC du Sud-Est