Elections européennes le 26 mai, nouvelle Commission Européenne désignée à l’automne… 2019 est une année de renouvellement au niveau européen. Le 25 avril prochain à Colmar, les participants du congrès annuel de la CNAOC échangeront sur le thème « Viticulture et PAC 2020 : un nouveau Parlement et après ? ». L’occasion d’examiner en détails les liens entre l’Union Européenne et la viticulture avec David Thual, consultant pour EFOW et expert des questions européennes.

Union Européenne et viticulture : mode d’emploi  

« Aujourd’hui, l’Agriculture est le secteur le plus intégré au niveau européen » entame David Thual. « C’est la principale dépense de l’Union Européenne (UE) avec près de 38 % du budget européen ». En matière réglementaire, les décisions concernant l’Agriculture sont prises de manière exclusive au niveau européen et chaque Etat Membre peut agir uniquement dans le cadre définit par l’UE. Depuis 2008, la quasi-totalité de la règlementation qui concerne la viticulture est regroupée au sein de l’Organisation Commune de Marchés (OCM). Y figurent par exemple les règles du régime d’autorisations de plantations, celles de la protection des appellations, celles concernant le contrôle ou encore les règles d’étiquetage. A travers les programmes nationaux d’aides à la viticulture, l’UE aide également les producteurs de vins à financer leurs projets d’investissements, de restructuration du vignoble, leurs actions de promotion ou à éliminer proprement leurs sous-produits de vinification. Des aides qui s’élèvent environ à 280 millions d’euros par an en France. « Tout cela contribue à façonner le vignoble européen » constate David Thual. D’où l’importance pour la filière viticole d’être bien représentée à Bruxelles. De plus, dans la plupart des pays de l’UE, la production viticole a une place à part puisqu’elle n’applique pas un dispositif d’aide à l’hectare car elle considère qu’il ne serait qu’un saupoudrage inefficace.

Comment défendre efficacement la viticulture à Bruxelles ?

« Pour la Commission Européenne, la viticulture est la « success-story » de la Politique Agricole Commune (PAC) » prévient David Thual. « Phil Hogan, le commissaire européen à l’Agriculture l’a même affirmé lors de son discours au 1er congrès de la viticulture française à la cité des vins de Bordeaux en 2017 ». Pourtant, la filière et la Commission ne sont pas toujours sur la même longueur d’ondes. Le dossier des droits de plantation en est le parfait exemple : « En 2013, nous avons dû nous battre pour rejeter la proposition d’une libéralisation complète des plantations de vigne en Europe prévue en 2016 et obtenir la mise en place d’un régime d’autorisation de plantation permettant une croissance raisonnée du vignoble dans la limite de 1% par an ».

Pour obtenir de tels résultats, il faut respecter plusieurs règles. Pour D. Thual, « La règle n°1, c’est l’unité. Plus les positions sont défendues par un grand nombre de représentants de la filière, plus elles ont de chances d’être entendues par la Commission, le Parlement et le Conseil. » Il faut d’abord trouver un consensus entre l’ensemble des organisations membres d’EFOW, puis avec l’ensemble des organisations représentatives de la production (le Copa-Cogeca qui représente les syndicats généraux agricoles et la coopération, la CEVI qui regroupe les vignerons indépendants européens) puis avec le CEEV (qui représente le négoce européen).

La règle n°2, c’est un travail en bonne intelligence avec le Parlement européen. Sur les sujets agricoles, c’est la procédure législative ordinaire dites « codécision » qui s’applique. « Dans cette procédure, le Parlement est l’égal du conseil des ministres de l’Agriculture. C’est un acteur majeur qu’il faut savoir convaincre ! » analyse le consultant. Le résultat des prochaines élections européennes sera donc déterminant. D’autant plus que le visage du futur Parlement sera probablement très différent de l’actuel. Déjà, conséquence du Brexit, le nombre de députés diminuent de 751 à 705. La France récupère 5 sièges supplémentaires avec 79 députés. Les équilibres politiques seront également nouveaux. « Les premières projections annoncent une forte baisse pour les deux partis majoritaires actuels – le PPE (droite dont font partie Les Républicains en France) et le S&D (gauche socialiste auquel appartient le Parti Socialiste français) –  qui ne représenteraient plus que 45 % du Parlement contre 55 % aujourd’hui. Ils devront donc s’allier à d’autres groupes politiques pour faire voter des textes. » prévient David Thual. Des incertitudes planent également sur le nombre de futurs députés familiers des problématiques agricoles et viticoles. « Nous savons que certains députés qui ont joué un rôle majeur dans la défense des intérêts agricoles, notamment français, ne reviendront pas à Bruxelles. Avec l’éparpillement des partis et un nombre d’élus « agricoles » très probablement diminué, l’appui du futur Parlement européen sera sans doute plus difficile à obtenir » confirme Mr Thual.

La réforme de la PAC en ligne de mire

Pour David Thual, « beaucoup de questions se posent sur la réforme de la PAC ». Prévue initialement pour entrer en vigueur en 2021, la réforme a pris du retard. Finalement, l’actuel Parlement ne sera pas en mesure d’adopter une position d’ici les prochaines élections européennes. C’est donc le prochain Parlement qui aura cette lourde tâche. « Les futurs députés pourront décider de reprendre les travaux sur base des lignes arrêtées par les députés actuels notamment au sein de la Commission Agriculture. Mais ils pourront aussi décider de tout reprendre à zéro. Dans tous les cas, EFOW devra refaire un gros travail de sensibilisation » avertit-il. D’ici-là, il n’y a qu’un seul message à faire passer « Si vous voulez défendre la viticulture, il faut aller voter ! »

 

les enjeux de la réforme de la PAC pour la viticulture

  • Prolonger le système d’autorisation de plantations jusqu’en 2050 (contre 2030 actuellement)
  • Rendre possible l’utilisation de cépages résistants dans les AOP
  • Assurer le maintien des enveloppes d’aides nationales