ITW de Phil HOGAN, Commissaire Européen à l’Agriculture

Commissaire européen en charge de l’agriculture depuis 2014, l’irlandais Phil Hogan n’est pas a priori un grand connaisseur de la filière viticole. Pourtant, alors que les relations ont parfois été tendues ces dernières années entre la Commission Européenne et le secteur viticole, Bruxelles semble plus à l’écoute des revendications de la filière. En amont du 1er congrès de la viticulture à Bordeaux les 6 et 7 juillet prochains et alors qu’il participera à la table ronde sur le thème de la prochaine réforme de la PAC, Phil Hogan a accepté d’échanger avec nous sur les enjeux de la prochaine PAC pour la viticulture.

Le chantier de la simplification de la règlementation vitivinicole touche à sa fin. Les organisations dont la CNAOC et EFOW qui étaient critiques au départ sont satisfaites des modifications apportées par la Commission. En particulier la responsabilité qui est donnée aux Etats membres sur la gestion des IG avec l’entrée en vigueur des modifications standard ou mineures des cahiers des charges dès la publication des textes au niveau national.  Pouvez-vous expliquer ce que cela va changer pour le producteur et pour la Commission ?

Aujourd’hui le monde et les marchés évoluent avec une vitesse accrue et les producteurs ont plus que jamais besoin de modifier le cahier des charges de leurs indications géographiques (IG) afin d’y répondre. D’un côté, les préférences des consommateurs évoluent; de l’autre côté, la recherche et l’innovation apportent des nouveautés tant en terme de techniques de production qu’en terme de marketing. Nous avons écouté le secteur qui nous demande des procédures simplifiées et plus efficaces, ainsi que  les Etats membres qui sont demandeurs d’une plus grande subsidiarité. A cette fin, mes services proposent que les modifications standard ou mineures des cahiers des charges des vins IG soient  applicables dès leur approbation par les Etats membres. Cette approche permettrait de réduire considérablement la durée des procédures.  Les producteurs des vins IG en seraient les premiers bénéficiaires,  pouvant ainsi répondre avec une célérité accrue aux besoins des marchés et mieux satisfaire la demande des consommateurs. Les Etats membres qui connaissent le mieux leurs  régions viticoles prendraient la responsabilité de ces modifications. Par conséquent, mes services, déterminés à  rendre le traitement des dossiers IG plus rapide et efficace, pourraient se concentrer sur le traitement des modifications revêtant une portée européenne et sur les enregistrements de nouvelles IG.

La viticulture est satisfaite des règles européennes qui s’appliquent dans le secteur et souhaite que les principaux instruments spécifiques (régulation du potentiel, politique de qualité, enveloppes nationales, étiquetage etc) soient maintenus dans la prochaine réforme de la PAC. Pouvez-vous rassurer les vignerons sur les intentions de la Commission ?

Pour ce qui est de la future PAC, on est encore au stade des consultations et des analyses d’options, il est trop tôt pour avancer des orientations politiques. De plus, la simplification en cours (projet de règlement dit « Omnibus ») respecte et maintient la majeure partie des résultats des précédentes réformes européennes pour le vin et je tiens à souligner qu’il n’y a pas d’intention d’en modifier les fondamentaux spécifiques. Les principaux instruments spécifiques au secteur vitivinicole sont conservés dans le but d’accroître la compétitivité du secteur vitivinicole de l’Union. En particulier:

  • pour le potentiel de production, le système d’autorisation apporte une souplesse accrue comparée au précédent régime des droits de plantation;
  • les règles sur l’étiquetage et les AOP/IGP[1] du vin et sur les pratiques œnologiques sont maintenues dans un dispositif spécifique au secteur;
  • une nouvelle période de programmation de 2019 à 2023 est prévue pour assurer la continuité des programmes d’aide nationaux au secteur.

La lutte contre le réchauffement climatique et la diminution des intrants sont 2 défis majeurs à relever. Les cépages résistants constituent l’une des réponses. Comment la Commission entend-elle répondre aux producteurs qui souhaitent pouvoir les expérimenter et demain commercialiser des vins produits à partir de ces cépages y compris des vins avec indication géographique?

Suite aux dernières réformes, la PAC contribue déjà à la lutte contre le changement climatique. Par exemple, la mesure de restructuration et de reconversion des vignobles dans le cadre des programmes nationaux d’aides permet aux producteurs d’accéder aux fonds pour la conversion variétale et les aides à utiliser, parmi les variétés autorisées pour la production du vin, celles qui sont plus adaptables aux conditions environnementales locales contribuant ainsi à la diminution des intrants. En 2013, il a été décidé de reconduire la législation européenne sur les cépages autorisés et interdits pour la production de vins avec AOP/IGP. Elle permet le label AOP uniquement pour des vins produits à partir de Vitis Vinifera. La Commission est prête à entamer une réflexion, en collaboration avec le secteur, le Parlement Européen et les Etats Membres pour explorer, dans le cadre de la future réforme, une approche innovante en matière de cépages résistants. A ce propos, ces projets d’expérimentation en matière de cépages sont déjà possibles dans le cadre de la législation.

[1] Appellation d’Origine Protégée et Indications géographiques protégée