Élu au mois de décembre dernier nouveau président de la fédération européenne des vins d’origine EFOW, Bernard Farges revient sur l’actualité viticole communautaire. Simplification de la législation viticole, accord UE/USA, autorisations de plantations…Panorama des sujets brûlants à Bruxelles.
La Commission Européenne a récemment publié plusieurs projets de texte visant à simplifier la législation européenne viticole. Cette démarche inquiète EFOW. Pourquoi ?
Ces dernières années, le secteur viticole a connu de nombreux changements. Tout d’abord, une réforme de l’OCM (Organisation Commune de Marché) vitivinicole en 2008 qui a libéralisé le secteur en autorisant l’utilisation des noms de cépages pour les Vins Sans Indication Géographique (VSIG) et qui a créé les enveloppes nationales pour soutenir la viticulture. En 2013, la réforme de la PAC a élargi les mesures éligibles aux programmes nationaux d’aides. Enfin, rappelons que la viticulture européenne s’est mobilisée entre 2008 et 2013 pour sauvegarder un outil de régulation de son potentiel de production après la proposition de la Commission Européenne de supprimer les droits de plantation. Grâce à la mobilisation de tous, nous avons réussi à obtenir la mise en place des autorisations de plantations. En à peine 10 ans, cela fait beaucoup de changements ! Aujourd’hui, les opérateurs disposent d’une panoplie d’outils pour leur permettre de développer le marché. Il faut leur laisser du temps pour assimiler les différentes réformes. Alors la Commission ne doit pas profiter du prétexte de la simplification pour réformer à nouveau le secteur en profondeur ! Nous ne sommes pas opposés par principe à la simplification de la réglementation européenne. Au contraire, les opérateurs pourraient bénéficier d’un allègement des contraintes administratives. Mais encore faut-il prouver que les propositions de simplification permettent réellement de simplifier la vie de vignerons ! Nous sommes très attachés, compte tenu de la spécificité de notre activité, au maintien de l’architecture réglementaire actuelle, c’est-à-dire au maintien d’une réglementation spécifique. Le chantier de la simplification ne doit pas remettre en cause cette architecture. Et surtout la Commission doit nous prouver les bénéfices concrets des mesures dites de « simplification » qu’elle propose. La force de l’économie viticole européenne repose actuellement sur le système des AOC et Indications Géographiques Protégées (IGP). Les mesures de simplification ne devront pas remettre en cause les équilibres du secteur.
Les négociations pour un accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis sont ralenties par la campagne présidentielle américaine. Ou en sont-elles concernant les Indications Géographiques viticoles ? Un accord peut-il être trouvé ?
Les USA représentent notre plus gros marché à l’export, et depuis 2013, les américains sont les premiers consommateurs de vin au monde. Les négociations concernant les IG viticoles sont bloquées depuis l’entrée en vigueur de la première phase de l’accord vin conclu entre l’Union européenne et les USA en 2006, qui permet notamment aux opérateurs américains d’utiliser certains noms d’IG considérés comme « semi-génériques ». Pour la filière viticole européenne, le Parlement Européen, de nombreux Etats membres et pour la Commission Européenne, des avancées doivent être obtenues sur ce point, c’est non négociable ! Cela nécessite de la part des négociateurs américains qu’ils soient disposés à discuter pour trouver une solution concrète. Il sera très compliqué d’avoir un accord avant la fin de l’année 2016 mais il vaut mieux privilégier le résultat plutôt que la rapidité.
Internet sera le lieu de vente de vin de demain. La bataille du « .vin » et du « .wine » a permis de soulever la question de la protection des IG sur internet. Comment continuer le combat pour une meilleure prise en compte online des IG ?
Jusqu’à maintenant les négociations internationales se sont concentrées sur le monde réel (offline) et elles n’ont pas suffisamment pris en considération le monde virtuel (online). Aujourd’hui, Internet est devenu un outil de plus en plus utilisé par les consommateurs pour avoir accès à l’information et faire leurs achats. Internet sera dans le futur proche un de nos plus gros marchés – Les ventes de vins en ligne augmentent de 30% par an ! Il est donc essentiel de définir les règles du jeu qui s’appliqueront à ce marché afin d’assurer une concurrence loyale et équitable. La bataille menée par EFOW sur le dossier ‘.VIN’ et ‘.WINE’ nous a permis de mettre en exergue les difficultés auxquelles nous faisons et ferons face. Nous avons su négocier un accord commercial satisfaisant mais ce n’est pas suffisant. Plus de 1900 nouveaux noms de domaines génériques ont été créés suite à la libéralisation d’internet sans qu’une réelle réforme de la gouvernance d’Internet n’ait lieu. La Commission européenne, en collaboration avec les Etats membres, la société civile et plusieurs autres secteurs économiques doivent lancer des réflexions approfondies sur ce sujet et prendre en compte cette nouvelle réalité avant qu’il ne soit trop tard.
Le nouveau système d’autorisation de plantations est entré en vigueur au 1er janvier 2016. Quels enseignements peut-on déjà tirer de son application ?
Il faut tout d’abord nous féliciter de la victoire emportée en 2013 et rappeler que la viticulture est le dernier secteur agricole en Europe qui bénéficie d’un instrument de régulation de son potentiel. Dispositif que beaucoup de secteurs agricoles en crise nous envient aujourd’hui. Il est trop tôt pour dresser un bilan, nous ne pourrons le faire que lorsque nous connaîtrons le montant des demandes individuelles au mois de mai. Mais nous sommes d’accord avec nos collègues des autres Pays pour réaliser un bilan après 2 années et d’étudier et proposer des pistes de simplification y compris si cela doit passer par une révision des règles prévues dans l’acte délégué
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