A l’occasion de l’inauguration du salon Vinexpo à Bordeaux le 14/06, le Président de la République François Hollande a accepté une interview exclusive pour la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vins à AOC (CNAOC). Face aux viticulteurs, il aborde l’actualité viticole : vin et santé publique, accords commerciaux et renégociation de la PAC.
Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vins à AOC : La France reste le 1er pays exportateur de vins en valeur dans le monde mais voit ses parts de marché s’éroder en volumes. L’ouverture des marchés à travers notamment la diminution des droits de douane mais aussi la protection des Indications Géographiques (IG) constituent pour le secteur une priorité dans les négociations internationales en cours. Comment la France compte-t-elle agir pour que ces deux axes restent des priorités pour la Commission Européenne ?
François Hollande : La France est le premier producteur mondial en valeur. Dans le même temps, la production française a connu une succession de vendanges limitées en volume alors qu’une concurrence vive s’est développée en Europe comme dans le Nouveau monde. Notre part de marché représente toujours près de 30% du commerce mondial. Dans aucun autre secteur, la France n’a une telle place.
Avec le gouvernement, je souhaite que les négociations d’accords de libre-échange conduites au niveau communautaire intègrent pleinement nos intérêts viticoles avec deux objectifs prioritaires : la baisse des droits de douane pour être sur un pied d’égalité avec nos compétiteurs étrangers et la protection des indications géographiques. La France est vigilante sur ce sujet et veille à construire des majorités au Conseil comme au Parlement européen. Par ailleurs, des discussions bilatérales spécifiques sont en cours pour faire reconnaître nos appellations, comme c’est le cas en particulier avec la Chine. Enfin, la notion d’indication géographique doit être mieux expliquée car ce n’est pas l’apanage de quelques pays riches. Bien au contraire, les indications géographiques peuvent permettre de formidables projets de développement territoriaux dans de nombreuses zones du monde. C’est pourquoi il s’agit de l’un de nos axes de coopération bilatérale avec de nombreux pays.
CNAOC : Le Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius appelle régulièrement au développement de l’œnotourisme et fait la promotion du vin français à l’étranger. Dans le même temps il est de plus en plus difficile de communiquer sur le vin en France, particulièrement dans les médias. Comment résoudre ce paradoxe français ?
FH : Faire de la politique, c’est écouter, rechercher un équilibre et trancher.
Je me dois de concilier la promotion des vins et terroirs de France et la lutte contre les dégâts de l’alcoolisme qui mobilise aussi l’ensemble de la filière viticole.
Il y a néanmoins des règles qui doivent être rappelées, ce sont celles qui ont été fixées par la loi Evin il y a 25 ans ! Je sais les préoccupations qui existent pour préserver la promotion de l’œnotourisme, c’est un sujet qu’il convient de traiter sereinement sans remettre en cause les équilibres de la loi Evin en matière de publicité sur les alcools.
CNAOC : Contrairement à la plupart des autres secteurs agricoles qui ont privilégié le versement d’aides directes, la viticulture a fait le choix de mobiliser les crédits de la PAC au profit de politiques de reconquête des marchés et d’amélioration de la qualité. Comment pouvez-vous rassurer les vignerons qui s’inquiètent face au silence de la Commission sur la poursuite du programme d’aides au-delà de 2018 ?
FH : Des choix clairs et porteurs d’avenir ont été faits par l’Etat et l’Europe en concertation avec la filière viticole pour privilégier l’affectation des crédits européens au financement d’investissements dans les vignes et dans les chais, comme dans le développement des marchés. C’est à la fois une option économique cohérente et un témoignage de confiance en l’avenir de cette filière.
Stéphane Le Foll a pu convaincre ses partenaires de l’Union Européenne de l’intérêt de préserver une organisation commune du marché viticole et un régime d’autorisation de plantations.
Je souhaite la poursuite de cette politique cohérente et efficace, d’autant plus qu’elle est fondée sur des dispositifs qui nécessitent continuité et stabilité réglementaire. La Commission européenne a été saisie de notre demande que les actions pluriannuelles lancées dans le cadre du programme actuel puissent bien être financées en 2019 et 2020 qui sont les deux dernières années du cadre financier européen.
CNAOC : Vous avez affirmé récemment que le vin, c’est l’identité de la France. Comment assurez-vous la promotion du vin lors de vos déplacements à l’étranger ?
Je suis attentif quand je reçois les chefs d’Etat étrangers à proposer les vins de France dans leur grande diversité et je suis toujours frappé par leur connaissance et leur admiration pour nos vins. Je veille également à ce que des représentants de la filière soient à mes côtés lors des dîners d’Etat à l’Elysée comme à l’occasion de mes voyages officiels pour les aider à promouvoir leurs produits. Je suis également très heureux que Laurent Fabius et Matthias Fekl soient très mobilisés sur ce volet de notre diplomatie économique.
Cette interview a été réalisée par la CNAOC pour plusieurs journaux syndicaux viticoles : la Champagne viticole, l’Union Girondine des Vins de Bordeaux, les Vins d’Alsace, le Vigneron des Côtes du Rhône et du sud-est, le Vigneron du Val de Loire, Vinonews (Bourgogne) et la lettre d’information de Cognac.
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