Depuis le 26 mai, le Parlement Européen offre un visage inédit. Alors que le nombre de députés hostiles à la construction européenne n’a jamais été aussi important, son pouvoir dans la construction européenne est paradoxalement de plus en plus fort. Quelles conséquences cette poussée europhobe va-t-elle avoir sur les prochains grands dossiers viticoles ? Analyse du nouveau visage du Parlement Européen.
Le 26 mai dernier, la France était sous le choc : au lendemain des huitièmes élections européennes, le Front National (FN) arrivait en tête du scrutin avec 24,85 % des voix et envoyait au Parlement Européen 24 élus, un record. Au niveau européen, même constat, la poussée europhobe est confirmée.
Les grands équilibres préservés malgré la poussée europhobe
Malgré ces résultats sans précédents, les grands équilibres du Parlement restent les mêmes que lors de la législature précédente. Parmi les 751 sièges à pouvoir, le Parti Populaire Européen (PPE) arrive donc en tête (221 sièges), suivi par le Parti Socialiste Européen (PSE / 191), les conservateurs (ECR / 70), les libéraux (ADLE / 69), l’extrême gauche européenne (GUE / 52) et les verts (50). Viennent ensuite les partis europhobes avec Europe Libertés Démocraties (EFFD / 48), qui a réussi à former un groupe parlementaire hétéroclite composé notamment de membres du parti europhobe britannique UKIP, du mouvement cinq étoiles italien catalogué à l’extrême gauche, également hostile à l’UE, et d’une ex-députée FN qui a quitté le parti de Marine Le Pen après s’être déclarée favorable au droit de vote des étrangers. En revanche, le FN a échoué dans sa tentative de constituer un groupe parlementaire et se retrouve donc affilié aux députés non-inscrits (43 + 9 alliés à aucun groupe politique). Depuis les dernières élections, le Parlement Européen désigne conjointement avec le Conseil des Ministres le nouveau Président de la Commission Européenne. Les deux institutions sont finalement tombées d’accord sur la candidature de Jean Claude Juncker, un Luxembourgeois de 59 ans, ancien président de l’Eurogroupe, homme de compromis habitué des couloirs de Bruxelles.
Les élus sensibles à la cause viticole réélus
Lors de la législature précédente, EFOW et la CNAOC ont régulièrement travaillé avec certains députés à l’écoute de la filière, notamment lors de la mobilisation pour la sauvegarde d’un système de régulation des vignes. Coté français, la plupart d’entre eux ont été réélus : Michel Dantin (PPE, rapporteur de la PAC), Françoise Grossetête (PPE), Eric Andrieu (PSE), Sylvie Goulard (ADLE) et José Bové (Verts). Deux nouvelles députées PPE au fait des thématiques agricoles ont également été élues : Angélique Delahaye, qui fait partie du conseil d’administration de la FNSEA et Anne Sander, ancienne attachée parlementaire de Joseph Daul. En Europe, la majorité des députés « viticoles » ont aussi conservé leur siège : Paolo De Castro (italien, PPE, ex-président de la Commission Agriculture), Herbert Dorfmann (italien, PSE), Maria E. Herranz Garcia (PPE, espagnol), Iraxte Garcia Perez (PSE, espagnol). Astrid Lulling, députée ex-présidente de l’Intergroupe vin et Joseph Daul, tous deux très mobilisée auprès de la filière viticole, ne se sont pas représentés. Nul doute que la CNAOC et EFOW sauront à nouveau trouver parmi ces élus des soutiens à la cause viticole. La session parlementaire reprendra le 1 juillet. Le prochain défi sera celui du maintien de l’intergroupe « Viticulture, fruits et légumes, tradition et alimentation de qualité » au sein duquel se retrouvait les députés de territoires viticoles. Pour cela, les signatures de trois groupes politiques différents sont nécessaires.
Les prochains dossiers viticoles du Parlement Européen
Depuis 2009 et l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Parlement est devenu codécideur avec le Conseil des Ministres dans certains domaines comme l’agriculture et la viticulture. Alors qu’il n’a jamais joué un rôle aussi important dans l’histoire de la construction européenne, le Parlement devra se montrer à la hauteur malgré la poussée europhobe. Coté viticulture, la Commission Européenne semble vouloir poursuivre la libéralisation du secteur des Vins Sans Indication Géographique (VSIG), comme le confirme le rapport bilan de la réforme de l’OCM viticole de 2008, qu’elle a publié en décembre 2012. Le parlement devra également surveiller de très près les négociations du traité de libre échange entre l’UE et les Etats-Unis notamment sur la question de la protection des Indications Géographiques (IG). D’autant plus que la Commission Européenne est seule compétente pour les négociations commerciales avec des partenaires de l’Union Européenne. Enfin, le dossier de l’étiquetage devrait également faire son retour. La aussi les parlementaires pourront être d’un grand secours.
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