Réforme de la PAC post 2020

Le 1er juin 2018, la Commission Européenne a publié ses propositions législatives pour la réforme de la PAC post 2020. Plusieurs dispositions concernent la viticulture pour le meilleur et pour le pire. Décryptage de ce  projet de Bruxelles avec Daniela Ida Zandonà , déléguée générale de la Fédération Européenne des Vins d’Origine EFOW.   

  • Un budget en baisse pour la PAC

C’est une tendance forte pour la prochaine réforme de la PAC : l’enveloppe budgétaire devrait être réduite. « En parallèle de la réforme de la PAC, la Commission à présenter une proposition relative au futur budget de l’UE pour la période 2021-2027 » explique Daniela Ida Zandonà , déléguée générale d’EFOW, la fédération européenne des vins d’origine dont est membre la CNAOC. « Le Brexit et le choix de nouvelles priorités européennes (sécurité, migrations, défense) auront un impact fort sur le budget de la PAC ». Concrètement, la Commission a proposé, selon elle, une réduction de l’enveloppe budgétaire de la PAC de 5 %, un moindre mal étant donné le contexte. Pour le Parlement Européen et le Conseil des Ministres en revanche, la baisse est évaluée en termes réels entre 12 et 15 %. Des interprétations divergentes qui donnent lieu à une bataille politique. Pour le Parlement et certains Etats Membres dont la France, la baisse est trop forte. Ils demandent le maintien du financement de la PAC à son niveau actuel au-delà de 2020.

  • Vers plus de subsidiarité ?

La principale nouveauté de la proposition de la Commission est la création des « plans stratégiques ». Ces plans devront être élaborés par chaque Etat Membre sur la base d’objectifs européens communs. Ils seront  ensuite approuvés par la Commission. Si certains Etats Membres sont plutôt favorables à cette évolution qu’ils considèrent comme une étape vers plus de subsidiarité (NDLR la subsidiarité  offrirait plus de liberté aux Etats Membres dans leur choix de politiques pour la PAC), le Parlement Européen craint au contraire une « renationalisation » de la PAC, avec le risque de mettre les Etats Membres en concurrence. Pour le secteur viticole, seules les Programmes Nationaux d’Aides entrent dans ce cadre.

  • Des programmes nationaux d’aides à la viticulture maintenus mais avec un budget en baisse

La filière viticole craignait que les Programmes Nationaux d’Aides (PNA) à la viticulture ne soient remis en cause. Ils sont finalement maintenus dans la proposition de la Commission. « C’est un pas dans la bonne direction» précise Daniela Ida Zandonà  « mais le doute persiste tout de même sur leur niveau de financement » Le montant alloué aux programmes d’aides nationaux passe effectivement de 280 millions à 270 millions pour la France. « Cela représente une baisse de 4%. Les PNA sont des outils stratégiques pour la filière viticole. Ils sont le symbole de la réussite de la politique viticole au niveau européen. Si le financement baisse, alors « la success-story de la PAC » comme aime à la présenter la Commission pourrait se transformer en échec…» prévient la déléguée d’EFOW.

  • La possibilité d’intégrer des cépages « résistants » dans les AOC

« Le Commissaire à l’Agriculture Phil Hogan l’avait annoncé lors du congrès de la viticulture française à Bordeaux en juillet 2017 et à présent c’est confirmé.» entame D. Zandonà. Si la proposition est définitivement adoptée, il sera désormais possible d’utiliser des variétés « résistantes » pour les AOC viticoles dans les conditions qu’elles détermineront.              

  • La création de nouvelles catégories de « vins » désalcoolisés

Dans son  projet, la Commission propose de créer deux nouvelles catégories : les produits de la vigne désalcoolisés et les produits de la vigne partiellement désalcoolisés. Ces deux nouvelles catégories de produits pourraient s’appeler vin, vin mousseux ou encore vin pétillant. L’objectif selon la Commission : répondre à une demande croissante des consommateurs pour ce type de produits. Pour la déléguée générale d’EFOW, « c’est une proposition qui ne nous convient pas. Autoriser des produits sans alcool à utiliser le mot vin est une remise en cause de toute l’histoire de la viticulture ! Nous ne sommes pas opposés à ces produits, simplement ils ne peuvent pas porter notre dénomination et se parer de nos atouts. »

  • Une nouvelle définition de l’AOP sans référence systématique aux facteurs humains

La Commission propose une modification de la définition de l’AOP qui permettrait d’enregistrer des nouvelles appellations sans démontrer systématiquement l’impact des facteurs humains. L’AOP serait définit ainsi : « une dénomination qui identifie un produit (…) dont la qualité ou les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement à un milieu géographique particulier et aux facteurs naturels et, le cas échéant, humains qui lui sont inhérents. » Comme la mesure précédente, cette proposition inquiète EFOW  « Le facteur humain est essentiel à la création et au maintien des AOP / AOC. Aucune appellation ne peut s’en passer ! Sur ces deux derniers sujets, les intentions de la Commission ne sont pas claires… Après les vins sans alcool, il y aurait les AOP sans hommes ! Ce sont des remises en causes des fondements de l’AOC et de la culture du vin en Europe que nous ne pouvons pas laisser passer. »

  • Un calendrier électoral qui risque de reporter l’adoption de la réforme

Les prochaines élections européennes se dérouleront en mai 2019 et l’ambiance pré-électorale commence déjà à se faire sentir à Bruxelles. Si la Commission pousse pour que la réforme soit adopté avant les élections, le calendrier électoral est très serré et l’adoption de la réforme de la PAC risque fortement d’être repoussé à après 2020. En effet, « Le Parlement Européen, codécideur sur la PAC ne semble pas pressé de trouver un accord. A l’inverse, le Conseil lui aussi codécideur pousse pour une adoption avant les élections européennes et la désignation de la nouvelle Commission. » analyse D. Zandonà.