Le congrès annuel de la CNAOC s’est déroulé à Colmar du 25 au 27 avril dernier. Au programme : les prochaines élections européennes à venir et la réforme de la PAC. L’occasion pour les nombreux représentants des vignobles européens présents de défendre des propositions communes pour la réforme de la PAC devant la Commission Européenne, au ministère de l’Agriculture et à plusieurs candidats à l’élection européenne.

« Viticulture et PAC 2020 : un nouveau Parlement et après ? ». A la veille des élections européennes, c’est avec ce thème accrocheur que la CNAOC a réussi à réunir les principaux acteurs des sujets viticoles au niveau européen. Du côté institutionnel, le chef de l’unité vin de la Commission Européenne, le « directeur Europe » du ministère de l’Agriculture et 3 candidats français aux élections européennes. Du côté de la viticulture, trois représentants professionnels venus d’Allemagne, d’Espagne, et d’Italie s’étaient déplacés. Au programme pour ce joli plateau : une première partie d’échange sur la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) post 2020 et une deuxième partie consacrée au fonctionnement du système d’autorisations de plantations de vignes dans les différents pays européens. 

Réforme de la PAC : améliorer la proposition de la Commission

Joao Onofre, chef de l’unité vins et spiritueux à la Commission européenne entame les discussions par une mise en perspective : « Il y a 10 ans, on exportait 2 milliards d’euros [de vin] hors de l’UE. Aujourd’hui, on exporte 12 milliards d’euros (…) La bataille mondiale pour le vin a été gagnée ».  Mais pour la Commission, la compétitivité de la filière viticole s’érode et son maintien passe par une réforme de la PAC ambitieuse : introduction des hybrides dans les AOC pour tester une amélioration de l’impact environnemental, maintien des aides spécifiques au secteur et ouverture d’un marché du « vin » désalcoolisé. Pour autant, cette ambition ne concerne pas les autorisations de plantations puisque la Commission a considéré qu’il ne fallait pas rouvrir le débat dans le cadre de la réforme de la PAC 2020 sous peine de raviver des tensions politiques. Ça sera pour la prochaine fois dit la Commission. Une position que ne partage pas Bernard Farges, président de la CNAOC et de la fédération européenne des vins d’origine EFOW. Le système d’autorisations de plantation est certes imparfait mais « indispensable ». EFOW souhaite donc sa prolongation au-delà de 2030, date butoir actuelle du dispositif. M. Farges a ensuite salué les propositions de la Commission sur l’introduction de cépages hybrides dans les AOC et celles sur le maintien des aides spécifiques au secteur viticole. En revanche, il s’est opposé à l’introduction des vins désalcoolisés comme produits agricoles. « Ce ne sont pas des produits agricoles mais des produits industriels. (..) Ils n’ont pas à être dans un texte agricole ». Des prises de position professionnelle bien comprise par la Commission Agriculture (ComAgri) du Parlement Européen comme l’a indiqué Eric Andrieu, député européen membre de la commission agriculture du Parlement et en charge de la réforme de l’OCM. La ComAgri a ainsi voté pour la prolongation du système d’autorisations de plantations jusqu’en 2050 avec une première évaluation en 2023. Les députés ont également soutenu l’autorisation des hybrides résistants pour les AOP. Cependant, ils ont souhaité soutenir la proposition de la Commission européenne d’inclure les vins désalcoolisées dans l’OCM et donc de les considérer comme un produit agricole. Dernier intervenant de la 1ère partie de la table ronde, Frédéric Michel, sous-directeur Europe à la DGPE (Ministère de l’agriculture), a déploré le fait que la France soit « isolée » pour faire remonter certains sujets comme la gestion des risques et la prolongation des autorisations de plantation après 2030.

Après les élections européennes, continuer le travail de réforme de la ComAgri

Si la ComAgri du Parlement Européen a adopté des positions proches de celles défendues par EFOW, rien n’assure que les nouveaux députés issus des élections européennes du 26/05 décideront de maintenir ce vote. Les trois candidats à l’élection européenne présents – Eric Andrieu (Parti Socialiste Européen), Anne Sander (Parti Populaire Européen) et Irène Tolleret (La République en Marche) – qui devraient être en cas d’élection en charge des sujets agricoles pour leur partis respectifs, se sont engagés à maintenir le vote de la ComAgri sur la réforme de la PAC. « J’ai la garantie dans mon groupe social-démocrate que si nous sommes réélus, nous poursuivrons le travail engagé (…) on ne peut pas perdre le chemin parcouru » a affirmé Eric Andrieu. « Notre engagement [du PPE] est de maintenir ce qui a été voté par la ComAgri » a également réagit Mme Sander. Enfin, pour Irène Tolleret « c’est évident que l’on [les députés de la liste Renaissance] va défendre les autorisations de plantations ». Des engagements à confirmer une fois le nouveau Parlement en place.      

Unanimité professionnelle pour le prolongement des autorisations de plantations

Après cette belle harmonie politique, il ne manquait que les positions des organisations professionnelles.  Dans la deuxième partie des débats, les trois représentants professionnels européens (hors France) présents – Alexandre Comellas, directeur de l’AOP CAVA (Espagne), Riccardo Ricci Curbastro, président de la Federdoc (Italie) et Christian Schwörer, secrétaire général du Deutsche Weinbauverband (Allemagne) – ont affiché leur attente en ce qui concerne le maintien du système des autorisations de plantations de vigne au-delà de 2030. En Espagne, M. COMELLAS a souligné le caractère indispensable du système d’autorisations de plantation pour le vignoble, vecteur de création de valeur et de durabilité. En Italie, a témoigné M.Curbastro, sans les autorisations de plantation la production de Vin Sans Indication Géographique exploserait. Enfin, en Allemagne, malgré quelques réticences au départ étant donné la complexité du système, les producteurs estiment que le système a prouvé son efficacité après 3 ans d’utilisation. Pour Christian Schwörer « Vu les chiffres de production et consommation, il est absolument nécessaire de maintenir ce système. (…) On pourrait accepter un compromis qui fixe une date butoir à 2050 ». Une belle unanimité indispensable pour réussir, ce que n’a pas manqué de souligner Bernard Farges en conclusion « Si nous ne sommes pas forts ensembles, nous n’aurons aucune chance d’aboutir.»

de g.à d. : J. Bauer, R. R. Curbastro, C. Schwörer, M. Comellas, A. Sander, B. Farges, E. Andrieu, J. Cattin, P. Pellaton, C. Klinger