Dans la dernière Stratégie Nationale de Santé, le gouvernement souhaite « dénormaliser » la consommation d’alcool et de vin, une vraie révolution qui vise à changer la place accordée à l’alcool dans la société française. Opposée à ce changement de modèle, la filière viticole à travers Vin et Société propose aussi de faire la révolution de la prévention contre l’abus d’alcool.  

«  Le nouveau monde politique n’est pas vraiment novateur dans ses rapports avec la filière viticole » constate Krystel Lepresle, déléguée générale de Vin & Société, la structure qui représente la filière viticole sur les sujets de santé publique et dont est membre la CNAOC. D’où vient l’inquiétude de Vin & Société et de l’ensemble de la filière vis-à-vis du gouvernement ? De la Stratégie Nationale de Santé (SNS) le nouveau cadre officiel des politiques publiques en matière de santé, présenté en fin d’année par le gouvernement. « Elle annonce un changement de paradigme des pouvoirs publics vis-à-vis de l’alcool. Le texte propose de dénormaliser la consommation d’alcool et donc de vin » explique –t-elle. Mais que signifie donc ce concept de « dénormalisation » ? L’idée est de créer un cadre juridique et un milieu social dans lequel l’alcool et le vin deviennent moins désirable, moins acceptable, moins accessible, à travers, notamment une fiscalité plus lourde, des campagnes de communication agressives ou encore une limitation de la publicité. « L’objectif de  la dénormalisation est de changer à moyen terme le rapport à l’alcool et au vin dans la société française. Cette position est d’autant plus difficile à comprendre qu’aujourd’hui 82 % des consommateurs de vin en France sont des consommateurs occasionnels et ne boivent pas plus d’un ou 2 verres par semaine» précise dubitative la déléguée générale. « Les Français ont leur mot à dire. Nous souhaitons les interpeller sur cette montée en puissance d’une idéologie prohibitionniste et mettre les responsables politiques face à leurs responsabilités. »

                Interpellation présidentielle

« Il est temps que les pouvoirs publics arrêtent de considérer le vin uniquement comme une molécule d’alcool ! » s’insurge Joël Forgeau, vigneron dans le nantais et président de Vin & Société.  « Le vin c’est aussi du patrimoine, de la culture, de l’économie – nous sommes la 2ème filière contributrice à la balance commerciale derrière l’aéronautique – des paysages qui attirent 10 millions de touristes, etc… Dans un contexte comme celui-ci, comment un vigneron peut-il avoir envie de développer son exploitation alors qu’on stigmatise sans cesse son produit ? » ajoute-t-il. Preuve de la vision réductrice des autorités de santé vis-à-vis du vin, le lancement en septembre dernier d’une campagne de sensibilisation contre les facteurs de risques contre le cancer avec un message simple « réduire sa consommation d’alcool, c’est pas la mer à boire ».  L’image choisie pour illustrer la consommation d’alcool était… un tire-bouchon ! Face à ce genre d’attaques, la filière sait se défendre. En réaction, la CNAOC et les autres organisations de la production ont lancé une campagne de protestation à travers un site internet letirebouchondetrop.fr qui permettait d’interpeller directement le Président de la République. Résultat : plus de 11 000 personnes ont indiqué à Emmanuel Macron leur désaccord avec cette campagne et leur exaspération quant à la stigmatisation du vin. La filière viticole a aussi saisi l’occasion des Etats Généraux de l’Alimentation (EGA) pour demander au gouvernement et au Président de la République de clarifier leurs intentions vis-à-vis du vin. Après avoir travaillé comme l’ensemble des autres secteurs agricoles à la rédaction d’un plan de filière pendant plus d’un mois, les professionnels ont refusé de remettre le plan de filière tant qu’ils n’auront pas reçu un signe de soutien clair et l’assurance que la France conservera une place pour la consommation modérée de vin.

                Dialoguer et co-construire la prévention de demain

Mais la filière viticole ne s’inscrit pas uniquement dans une démarche d’opposition. Depuis plusieurs années déjà, Vin et Société a mis en place des actions pour une meilleure prévention de la lutte contre l’abus d’alcool. Joël Forgeau précise «Le gouvernement doit être le garant d’un dialogue ouvert et constructif entre la filière viticole et les autorités de santé sur les actions de prévention. Les vignerons espagnols et italiens travaillent avec leurs autorités depuis de nombreuses années sur ce sujet !».   Une proposition qui semble complètement en phase avec le premier objectif de la nouvelle SNS de développer la prévention dans tous les milieux et tout au long de la vie. « Avec les brasseurs et les spiritueux, nous avons proposé au ministère de la santé et à l’Elysée de faire une révolution de la prévention. Il s’agirait d’associer les pouvoirs publics et les professionnels à l’élaboration et la mise en œuvre des initiatives de prévention afin de démultiplier leur impact. » conclue Krystel Lepresle.