A lieu original, thème original. Pour la 1ère fois, le traditionnel congrès itinérant de la CNAOC s’est déroulé à Sancerre le 23 et 24 avril dernier. Au programme un thème lui aussi novateur : l’adaptation des AOC aux défis environnementaux. Pour permettre aux AOC d’innover et de s’adapter, les vignerons d’appellation ont demandé plus de souplesse règlementaire.
« A nous de démontrer la modernité des AOC ! ». Dans une tribune distribuée à tous les participants, Bernard Farges, le président de la CNAOC donnait le ton des échanges pour la table ronde de l’après-midi sur un thème inédit : « réchauffement climatique, nécessaire réduction des intrants : quelle adaptation des AOC ? ». Pour aborder les nombreuses questions de l’adaptation des vignobles d’appellation aux défis environnementaux, la CNAOC avait convié plusieurs intervenants : des représentants de l’administration et du monde politique, des viticulteurs et des chercheurs-scientifiques.
La vigne face au réchauffement climatique
1er intervenant de l’après-midi, Jean-Marc Touzard, chercheur à l’INRA Montpellier, a exposé les conséquences du réchauffement climatique sur le vignoble. Certaines sont déjà visibles comme l’élévation du niveau d’alcool ou l’avancement des dates de vendanges. Pour faire face, des solutions existent : changement de pratiques œnologiques, adaptation du matériel végétal etc. Certaines régions viticoles ont déjà commencé à expérimenter des nouvelles pratiques. En Champagne, comme l’a présenté Pascal Férat, président du Syndicat Général des Vignerons (SGV), la filière aborde l’impact environnemental de l’activité viticole de manière globale à travers la notion de bilan carbone. Les vignerons champenois cherchent à réduire leur empreinte environnementale depuis l’amont jusqu’à l’aval en travaillant par exemple à la réduction du poids de la bouteille pour alléger les colis lors du transport. Au niveau national, des réflexions existent également. Bernard Angelras, président de l’ODG Costière de Nîmes et président de la Commission environnement de l’INAO a indiqué que les professionnels de tous les secteurs (vins, fromages, viandes etc.) réfléchissaient depuis le mois de janvier au sein de cette commission à des mesures de protection de l’environnement.
Expérimentation et adaptation des AOC
L’une de ces mesures est l’intégration des cépages résistants dans les cahiers des charges AOC, cépages utiles pour lutter contre les grandes chaleurs et les maladies. Plusieurs régions viticoles mènent actuellement des expérimentations en la matière. Cependant, le cadre de ces expérimentations fait débat. Les participants ont notamment souligné la nécessité de faire évoluer la réglementation européenne sur le statut des variétés nouvelles résistantes pour permettre aux AOC d’être produites à partir de ces cépages. En France, les conditions des expérimentations menées par l’INAO font aussi débat. Eric Rosaz responsable du pôle vins à l’INAO a précisé que l’Institut n’était pas opposé à des expérimentations temporaires mais seulement dans un cadre bien précis. Cependant, aucune commercialisation de ces vins ne pourra se faire dans le cadre de l’appellation. Laurent Audeguin, de l’Institut Français de la Vigne (IFV), a ensuite présenté les pratiques de nos voisins européens en matière de cépages résistants. Certains pays comme la Suisse, la Hongrie ou l’Allemagne ont lancé des programmes d’expérimentations depuis les années 1960. Il a lui aussi appelé à un assouplissement de la législation pour faciliter l’expérimentation. Concernant l’adoption par les AOC de nouvelles mesures de protection de l’environnement, Sébastien Couderc, conseiller technique chargé des filières végétales auprès du Ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, a appelé les vignerons à utiliser la possibilité créée par la loi d’avenir agricole d’intégrer des mesures de protection des terroirs dans les cahiers des charges. Un appel entendu par la CNAOC qui est à l’origine de cette disposition. Il a également rappelé l’engagement du Ministre en faveur de l’environnement, à travers notamment l’adoption d’un nouveau plan Ecophyto. Sur ce dernier sujet, la députée européenne Angélique Delahaye a mis en garde les pouvoirs publics français : il ne faut pas que la France adopte des règles plus restrictives en matière d’environnement que celles déjà contraignantes prévues par la réglementation communautaire.
Des échanges constructifs qui ont permis aux AOC d’exprimer leur volonté d’avoir un cadre réglementaire plus adapté pour jouer leur rôle de préservation des terroirs.
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