Contre une nouvelle réforme de l’OCM, pour une modernisation des règles
En 2016, les eaux-de-vie de la CNAOC sont à l’honneur. 30 ans après le dernier congrès dans cette région, la viticulture d’appellation s’est réunie à Cognac en Charentes le 21 et 22 avril dernier pour le traditionnel congrès annuel de la CNAOC. Au programme : le bilan et l’avenir de l’OCM vitivinicole.
Pour Bernard Farges « il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! ». Les vignerons d’appellation sont « très attachés » à l’Organisation Commune de Marché (OCM) vitivinicole. Le président de la CNAOC a tenu à éviter les malentendus lors de la table-ronde du congrès annuel de l’organisation sur le thème « OCM vitivinicole : quel avenir ? » et a affirmé dès le départ l’opposition des vignerons d’appellation à toute nouvelle réforme du secteur vitivinicole. Il est vrai que la méthode employée par la Commission Européenne à travers son projet de simplification et de mise en conformité avec le traité de Lisbonne de la règlementation viticole soulève de nombreuses questions et peut laisser penser que l’exécutif européen veut poursuivre les réformes : présentation d’une partie seulement des projets de textes, éclatement des textes actuels, oubli de dispositions fondamentales pour les AOC comme l’interdiction pour les Vins Sans Indication Géographique (VSIG) de pouvoir se référer à une origine géographique plus petite que l’Etat membre, absence d’étude d’impact etc. Mobilisées dès le départ des discussions, la Cnaoc et la fédération européenne des vins d’origine Efow ont dénoncé la méthode et demandé à la Commission de ne pas remettre en cause les équilibres trouvés lors des réformes de 2008 et 2013. Elles ont aussi décidé d’être parties prenantes du chantier de simplification et de proposer des pistes de modernisation dans l’application des règles. En bref, oui à la simplification législative mais pas n’importe comment ! La table ronde est bien lancée avec deux objectifs pour la CNAOC : faire un premier bilan de l’OCM et surtout être force de proposition pour moderniser l’application des règles.
Bilan : les objectifs de l’OCM restent d’actualité
« Les objectifs de l’OCM restent d‘actualité. La réforme de l’OCM Vin en 2008 et les modifications apportées en 2013 à l’occasion de la réforme de la PAC (régulation des plantations et soutiens sur de nouvelles mesures comme la promotion sur le marché intérieur) forment un équilibre qu’il ne faut pas remettre en cause aujourd’hui ». Bernard Farges plante le décor. « Pour autant nous constatons que l’analyse de la Commission en 2008 selon laquelle la valorisation des VSIG avec la mention du cépage contribuerait au développement du secteur est démentie notamment pour la France ». Une affirmation confirmée par les chiffres présentés par Baptiste Montange de France Agrimer. L’économie des VSIG depuis 2008, date à laquelle ces vins ont obtenu la possibilité de mentionner le cépage, démontre que le développement de ces vins reste limité, en particulier en France. Limité car les vignerons continuent de privilégier la production de vins sous signe d’origine et de qualité, garante d’une meilleure valeur ajoutée et d’un ancrage des productions à leur terroir et ou territoire. Limité aussi parce que les prix des VSIG français sont beaucoup plus élevés que ceux des VSIG espagnols et italiens. La meilleure preuve du décrochement des VSIG français est l’augmentation des importations des VSIG espagnols vers la France. Une occasion pour Bernard Farges de rappeler qu’à l’heure actuelle, en France, ce sont – de très loin – les IG qui créent de la valeur. Du coté des pouvoirs publics, on préfère souligner les réussites de la réforme. La réussite économique du secteur viticole qui doit sans cesse être rappelée pour Hervé Durand, directeur général adjoint de la DGPE au ministère de l’agriculture. La mise en place du programme d’aides à la viticulture pour Rudy Van Der Stappen, chef adjoint de l’unité vin à la Commission Européenne. Sur ce dernier point, tous les participants étaient unanimes et ont demandé la prolongation du programme d’aides au-delà de 2018. Enfin, la réintroduction d’un instrument de régulation des plantations en 2013 a été également saluée par tous. Seul bémol, les vignerons de Cognac et leur président Stéphane Roy ont rappelé la particularité de leur vignoble et les difficultés à réguler le potentiel de production.
Simplifier et moderniser
Si la Cnaoc est opposée à une nouvelle réforme du secteur, elle n’en considère pas moins qu’il y a des marges pour moderniser l’application de l’OCM et alléger les contraintes administratives qui pèsent sur les opérateurs. Le Congrès a été l’occasion de donner des premières pistes et de rappeler à la Commission que la simplification doit avant tout profiter aux viticulteurs et pas à l’administration. La première piste de simplification concerne les obligations liées à certaines pratiques œnologiques (déclaration et tenue des registres). Philippe Coste, Vice-Président de la CNAOC considère que les déclarations pourraient être supprimées au profit des seules écritures dans les registres. La deuxième concerne l’enrichissement. Philippe Pellaton, secrétaire général de la CNAOC et président du syndicat des Côtes du Rhône dénonce le mic-mac de la règlementation actuelle qui divise des régions et des appellations entre celles qui peuvent utiliser le sucre et celles qui doivent utiliser du MCR. Il fustige les « les contraintes économiques » que la règlementation génère « sur le terrain » et demande que soit unifié le régime juridique de l’enrichissement. Autrement dit admettre la pratique tout en la réglementant sans considération pour le produit qui sert à enrichir. Troisième piste de simplification : faciliter l’expérimentation des cépages résistants au sein des cahiers des charges. Plus de succès pour cette demande de la CNAOC appuyée par Hervé Durand et entendue par Rudy Van Der Stappen, même si ce dernier a indiqué que la Commission attendrait une proposition avant d’agir. Enfin, dernière proposition de simplification, réduire les délais d’attente pour modifier les cahiers des charges. Sur ce sujet, Jean-Luc Dairien, le directeur de l’INAO s’est prononcé pour un contrôle des modifications a postériori pour celles dîtes « mineures » et donc pour une entrée en application dès la publication au niveau national.
Des débats riches et denses qui ont esquissé le chemin qu’il reste encore à parcourir pour construire l’OCM de demain et faire en sorte qu’elle continue de renforcer la compétitivité de la filière.
Crédits photos : UGVC-Stéphane Charbeau
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